FESTIVAL JAZZ A JUAN 2015 / CHICK COREA ET HERBIE HANCOCK

Portrait

Renaud Duménil, La mémoire de Jazz à Juan

Journaliste

Déjà 30 ans qu’il figure sur la photo de famille des organisateurs de la grand’messe juanaise. Renaud partage ses belles anedotes …

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Parler de Jazz à Juan avec Renaud Duménil, c’est un peu comme raconter ses vacances d’été dans la maison de famille. Il en connaît par coeur les coulisses, les invités et toute l’orchestration. Lui figure depuis 30 ans sur la photo des protagonistes de la grande «  family jazz  ».

Une belle aventure pour Renaud Duménil, collaborateur de l’Office de Tourisme, écrivain, qui fut attaché de presse de Dalida, directeur de deux radios privées et chargé de la communication des grandes boites de nuit parisiennes à la belle époque du Palace et du Queen. Désormais, il cultive ses racines dans le sable de la Pinède Gould. Il y a 18 ans, il a imaginé «  Le Petit journal de Jazz à Juan  », une publication créée tous les soirs en direct de la pinède. Souvenirs, souvenirs…

Le plus vibrant ?

2015. Sur scène, Marcus Miller, avec une trentaine de musiciens extraordinaires, d’Afrique de l’Ouest, porteurs de la culture gnawa, celle d’esclaves noirs déportés au Maghreb. En guest star Ibrahim Maalouf. Tout ce joli monde nous a récompensé d’un «  Blast  » d’anthologie d’une bonne demi-heure. Une communion, une émotion, des larmes de bonheur. L’élégance des grands musiciens qui savent partager.

Le plus cool ? 1991. Carlos Santana est à l’affiche. La foule se presse aux entrées de la pinède. Soudain, qui vois-je faisant la queue comme tout le monde ? Un jeune mec avec un bandana, les moustaches, attendant tranquillement accoudé sur une barrière au milieu du public que les portes s’ouvrent. Et le gars, c’était tout simplement notre Carlos, qui se sentait bien à Juan, avait délaissé chauffeur et berline et était venu bosser à pied !

Sortie de scène ? 1984, entouré d’une machinerie extravagante, les cheveux blancs hirsutes, l’iconoclaste Hermeto Pascoal s’écrie en pleine transe : «  je voudrais voler au-dessus du public pour être plus près de lui (...)  » N’empêche qu’il va vers son public et l’emmène avec sa clarinette dans les rues de Juan, où il défile entouré des spectateurs, de la foule des badauds et… des agents de sécurité ahuris.

Belles découvertes ? Il faudrait un livre… 2005. Youn Sun Nah est Jazz à Juan révélation ! Les critiques tiquent avec toujours la même litanie «  c’est pas vraiment du jazz…  ». Quand on connaît sa carrière aujourd’hui ! Et en plus elle est reconnaissante, dans sa bio figure toujours sa première scène à Juan. 2006, Jamie Cullum se présente «  Bonsoir, Juan (…) J’ai découvert le festival à travers les enregistrements de Keith Jarrett et de Miles Davis (…)  » C’est ainsi que Jamie Cullum, un petit verre de rosé à la main, ouvre son premier concert à Juan. Après le concert, sur la plage, il retire chaussures et fringues et se jette à l’eau pour un bain de minuit ! Derrière lui le fan club a suivi !

Plus gros challenge ? Hiromi la pianiste japonaise avec Edmar Castañeda le harpiste colombien en première partie de Sting… Mission impossible ! Sauf que tout le public venu exclusivement pour Sting se souvient encore de cette première partie exceptionnelle. Chapeau, Jean- René Palacio !

La grande classe ? Depuis 1961, Ray Charles célébrait chaque passage à Juan comme une grande fête avec du Dom Perignon… Souvenons-nous que c’est à Juan qu’il fit en 1961 sa première apparition en Europe. Ce soir-là, en pleine saison, l’équipe a déplacé des montagnes pour trouver quelques bouteilles du célèbre champagne. Ray Charles l’a su et le lendemain a gratifié toute l’équipe d’une bouteille pour la remercier de l’accueil…

Le grand stress ? 2002, Keith Jarrett enregistre en live dans la pinède «  Up for it live  ». Pas de bol, il pleut toute la journée ! Depuis la plage où il dine, Keith scrute le ciel… Finalement à 21h30 la pluie se calme… On avait dressé des tentes sur scène pour abriter chaque musicien… Surréaliste ! Tout s’est bien passé et le lendemain, Philippe Baute, directeur de l’Office de Tourisme, organisateur du festival, reçoit un appel du manager de Keith : «  OK les gars tout va bien, on revient à Juan mais pensez à installer un toit…  ». C’est depuis que la scène de Juan est couverte !